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D’ouest en ouest

Prélèvements paysagers d’une campagne en mutation

Côtes d’Armor

Calvados

Landes

Maine-et-Loire

Durant l’hiver 2022, j’ai sillonné les routes de l’ouest de la France au volant de mon van aménagé. Équipé d’un seul et unique objectif 50mm, je souhaitais m’éloigner des villes afin de photographier les territoires ruraux.

Je possède un lien ambivalent avec la campagne. J’y ai grandi, tout comme mes parents et les générations précédentes. Mes grands-parents maternels possédaient une petite ferme en Mayenne comme il en existait autrefois. Quelques bêtes, quelques cultures et un réseau de solidarité entre paysans et paysannes leur permettaient alors de vivre, modestement, au cœur d’un territoire où l’essentiel de l’activité était agricole. Le remembrement et l’essor de l’agro-industrie, combinés aux profondes mutations de nos modes de vie ces cinquante dernières années, ont peu à peu chassé cette façon d’habiter le monde*. La campagne de mes grands-parents semble aujourd’hui ne plus exister.

Mon histoire familiale m’a donc initié à cette existence rurale en extinction. Toutefois, la campagne de mes ainé·e·s ne ressemblait en rien à celle où j’ai passé mon enfance et mon adolescence. Située non loin d’une petite ville dynamisée par sa proximité et son raccord ferroviaire à une ville moyenne, j’ai pu bénéficier de tous les aspects positifs de la vie urbaine. Les champs et les bois alentour faisaient davantage office de décor que de mode de vie. À une époque marquée par la périurbanisation, habiter à la campagne semblait synonyme d’habiter dans le passé.

Finistère

Tarn

Aujourd’hui, cependant, je réalise que la campagne que j’ai connue, celle de mes grands-parents, périt année après année pour laisser place à un territoire rural marqué par l’agro-industrie, le développement du réseau autoroutier ou celui des parcs éoliens, la disparition des fermes d’autrefois et du métier de paysan, la désertion des centres-villes de villages, l’anachronisme de certains lieux, etc. À l’instar des villes qui cherchent à s’adapter aux enjeux contemporains, les campagnes, elles aussi, changent pour se courber aux mutations de notre monde moderne.

Sur ce constat, j’ai ressenti l’envie de partir explorer la campagne de mes grands-parents afin de découvrir s’il en existait encore quelques fragments dans notre monde actuel. J’ai décidé de considérer la campagne comme un sujet à part entière. Tel le personnage principal de mon récit, je voulais lui faire la part belle et ainsi retirer l’être humain de mes clichés. Toujours par choix narratif, j’ai aussi décidé de réaliser mes photos en hiver. Par sa végétation au repos, son tourisme en pause et ses populations recluses, c’est une saison qui impose malgré elle une forme d’honnêteté. Embellir une photo par une végétation luxuriante, des fêtes de village animées ou des décors bucoliques y devient plus difficile. L’hiver, la réalité semble augmentée. C’est avec ces envies qu’un matin, j’ai choisi de prendre la route.

Sarthe

Morbihan

Indre-et-loire

Hautes-Pyrénées

En m’inspirant du périple photo-géographique de Raymond Depardon à travers la France, j’ai choisi de capturer des paysages peu représentés situés loin des axes touristiques qui véhiculent parfois une image cliché ou idéalisée de nos campagnes. Je voulais que ma photographie ne triche pas, ne cherche ni à embellir ni à enlaidir, mais saisisse simplement le lieu dans l’instant. Une forme de témoignage, en quelque sorte, d’un territoire au cœur d’une série de profondes mutations. Un témoignage qui capturerait l’action et le quotidien de l’être humain sans pour autant le photographier. 

*INSEE : En 1970, la France métropolitaine comptait 1 587 600 d'exploitations agricoles. En 2020, elle en recense 390 000.

Ille-et-Vilaine

Landes

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