Mon expérience d’artiste en résidence au Népal
Au printemps 2024, j’ai postulé pour participer à une résidence d’artiste à Katmandou. J’habitais alors à Melbourne, en Australie, et je travaillais sur ma dernière série photo intitulée « Earthlings ». Au début de l’été, j’ai reçu une réponse favorable de la part de la directrice du programme. Mon dossier avait été accepté et une place m’attendait pour un mois à Space A, organisme à but non lucratif dédié à l’accueil d’artistes visuels, musicien·ne·s et écrivain·e·s, à partir du premier septembre. Le 31 aout, je m’envolais pour Katmandou avec le projet de monter une exposition de ma série et l’envie d’explorer la ville à travers l’objectif de mon appareil-photo.
Je n’étais pas préparé !
À peine arrivé au cœur de la ville, j’ai ressenti cette étrange impression d’être avalé par un monstre dont le corps mêlait moteurs rugissants, klaxons incessants, circulation chaotique, foule tonitruante, profusion d’odeurs entêtantes, travaux, pollution, saleté, béton, etc. Telle une bête gigantesque à l’appétit féroce, la capitale brisait tout rêve de silence et de quiétude pour me confiner à ses ruelles étroites, en proie à la folie de son tumulte.
Plusieurs jours m’ont été nécessaires – une semaine même – pour m’adapter à cette agitation. Très vite, pourtant, au gré d’errances et de rencontres, j’ai découvert le visage masqué d’une métropole passionnante et intrigante où s’entremêlent croyances et religions, où cohabitent Tibétains, Indiens, Mongols et autres habitants du Sud-est asiatique, une ville où le rapport au temps et à l’espace semble en tout point s’opposer au modèle ordonné et rationnel que je connais depuis toujours.
Les débuts se sont donc avérés à la fois épuisants et stimulants. Le lendemain de mon arrivée, je rencontrais mes hôtes ainsi que les deux autres artistes, originaires des États-Unis et d’Angleterre, avec qui j’allais partager ce mois. Présentation de mon projet, de mon parcours, conditions de mon exposition (où, quand, comment, solo ou partagé…), envies particulières pendant cette résidence, etc., les questions s’enchainaient dans un anglais effréné teinté d’une multitude d’accents. Space A était à l’image de la ville : intense et palpitant.
Après une semaine d’adaptation, je trouvais enfin un rythme qui m’accompagnerait jusqu’à la fin de la résidence. Installé dans le quartier d’Asan, je décidais un matin de me rendre au marché local qui transforme les artères et les places des alentours en un gigantesque bazar. Ce fut le premier de longues déambulations, appareil-photo à la main, dans les ruelles étroites et bondées de la capitale qui se réveille à l’aube. Spectacle répété inlassablement chaque jour, j’ai de suite été fasciné et subjugué par la manière dont les habitantes et habitants occupaient leur ville, se l’appropriaient, vivaient, riaient, parlaient, criaient, couvrant chaque morceau de sol comme pour se rappeler que cette ville bouillonnante est la leur, dans sa splendeur et son chaos.
Le reste de la journée, j’avançais sur la préparation de mon exposition, échangeais avec mes hôtes et les artistes, m’initiais aux subtilités du Bouddhisme et de l’Hindouisme, expérimentais la nourriture locale et admirais la vue depuis le toit de mon hôtel où, par ciel clair, j’apercevais au loin les sommets enneigés de l’Himalaya que je prévoyais d’explorer une fois la résidence terminée.
Préparer l’exposition s’est révélé plus complexe que je ne l’imaginais. Penser le projet m’a presque semblé simple au regard de sa mise en œuvre. Habitué à organiser et à planifier, j’ai dû apprendre le lâcher-prise dans une ville où les « codes » occidentaux ne sont pas légion. De la recherche de papier local, appelé Lokta, pour réaliser mes tirages à l’impression des photos ou leur encadrement, j’ai dû m’armer de patience pour que mes tirages soient prêts dans les délais. J’ai surtout dû accepter que je n’étais ni le maitre du temps ni le maitre des lieux et que les choses se feraient de toute façon sans que j’essaie de tout contrôler.
Fin septembre, mon exposition voyait le jour à la Siddharta Gallery grâce au soutien précieux de l’équipe de Space A. Cette résidence compte sans aucun doute parmi les expériences les plus enrichissantes de ces dernières années tant elle m’a obligée à quitter ma zone de confort pour m’adapter à un monde inconnu, fascinant et stimulant. Merci Katmandou !
Pour celles et ceux qui souhaitent découvrir ma série, elle est disponible dans l’onglet « Projects » de mon site web. J’en profite pour partager quelques street photos de Katmandou en attendant une galerie qui devrait voir le jour dans les prochains mois.
